La philanthrope

Justine Lacoste

1877
1967

Celle qui eut des enfants par milliers

Le destin de Justine Lacoste, issue de la bourgeoisie, est écrit : épouser le meilleur parti en ville, briller dans la haute société, fonder une famille. Mariée à l’homme de ses rêves, Louis de Gaspé Beaubien, Justine a tout… sauf des enfants. 

Mais par sa détermination, ce que la nature lui ravit, elle le compensera au centuple.

Une jeune femme de la haute société

Famille de Sir Alexandre Lacoste et Marie-Louise Globensky dite « Lady Lacoste ». Fonds Famille Landry, 1900.

Née à Montréal le 1er octobre 1877, Marie-Élodie-Justine Lacoste grandit dans une famille nombreuse (sept filles et trois garçons!) où l’on favorise le développement des jeunes femmes à l’approche du 20e siècle.

La jeune fille doit son nom à sainte Justine de Padoue, martyre des premiers siècles de l’Église catholique, protectrice des enfants malades. 

Alors que sa sœur aînée Marie est gravement malade, ses parents prient sainte Justine et lui demandent d’intervenir, promettant de donner ce prénom à leur prochaine fille.

Sainte Justine de Padoue. Bartolomeo Montagna, v. 1490.

Son père, sir Alexandre Lacoste, est avocat, puis sénateur et juge en chef de la province de Québec. 

Sa mère, Lady Lacoste, née Marie-Louise Globensky, est au cœur de la philanthropie montréalaise.

Sa devise :

« Nous avons reçu beaucoup, nous devons donner beaucoup. »

Portrait de Marie-Louise Globensky dite « Lady Lacoste ». G.C. Arless, v. 1880-1891.

Portrait d'Alexandre Lacoste. Fonds Famille Landry, v. 1880-1891.

La bonne éducation

Alors que la facilité semble aller de soi dans les maisons cossues de l’élite montréalaise, Justine et ses sœurs reçoivent une éducation stricte et rigoureuse. Justine ira au pensionnat, où les valeurs chrétiennes de partage et de sacrifice priment.

Pensionnat du Saint-Nom-de-Marie, Hochelaga, Montréal. A. Breger frères, v. 1910-1919.

Dans la vie, comprend la jeune fille, tout se mérite.

Justine Lacoste et sa sœur, Jeanne Lacoste. Chs. Desautels, 1895.

Une vie de rêve

Justine a 22 ans lorsqu’elle lie sa destinée à Louis de Gaspé Beaubien, de 10 ans son aîné, déjà fondateur de la Maison de change L. de G. Beaubien, qu’il présidera 50 ans durant.

Acte de mariage de Louis de Gaspé Beaubien et Justine Lacoste. Registre de l'état civil du Québec, 1899.

Vacances au lac Nominingue dans les Laurentides. 1903.

Choyée, adulée, heureuse, Justine Lacoste, désormais Madame Beaubien, suit son mari dans ses voyages en Europe, où ses affaires l’amènent. La vie n’est qu’inoubliables traversées, larges horizons, grandes villes et soirées mondaines. Une vie rêvée? Le fait est là, inéluctable : infertilité.

Que vaut une vie de rêve sans enfants?

Justine Lacoste. Fonds Famille Landry, v. 1900.

À NOUS 
L’EUROPE!

Louis de Gaspé Beaubien voit grand. En mars 1911, l’homme d’affaires se rend en France en compagnie de Justine pour préparer l’ouverture des bureaux parisiens de L. G. Beaubien & Cie, logés au 5, Square de l’Opéra. De là, il desservira les marchés français, belge, luxembourgeois et hollandais.

Louis de Gaspé Beaubien. Pelletier, 1935.

Devenu incontournable dans le monde de la finance, L. G. devient président de la Bourse de Montréal en 1932.

La mission de Justine

Vers 1905, Justine rencontre Irma LeVasseur, première Canadienne française diplômée en médecine. À Montréal, de nombreux enfants sont abandonnés à la naissance. Aussi, les hôpitaux ne soignent pas les enfants de moins de deux ans. La jeune femme, qui est du même âge que Justine, souhaite ouvrir un hôpital pour enfants.

L’hôpital Sainte-Justine situé rue Saint-Denis, près de la rue Roy. v. 1907.

C’est le grand déclic. La gestionnaire, la voyageuse cultivée qui connaît les humains et leur souffrance, la Lady au vaste réseau de relations, l’épouse du financier de bonne volonté, la mère qu’elle aurait tant voulu être, tout en elle va servir ce but qu’elle a en tête depuis le début et qui ne la quittera plus.

Hôpital Sainte-Justine pour enfants. Laprès & Lavergne, v. 1908.

Une infirmière et deux religieuses des Filles de la Sagesse. Conrad Poirier, 1946.

Elle va marquer la société de son temps. L’oratrice hors pair, au sourire permanent, est infatigable et convaincante : elle donne l’exemple, incite les puissants à agir et les richissimes à contribuer plus. Les résultats sont probants : grâce à l’hôpital Sainte-Justine, le but est atteint. Des générations d’enfants ont un toit et des soins.

Les enfants de Justine.

L’HÉRITAGE

La maison L. G. Beaubien survit à son fondateur sous une forme impressionnante. Au début des années 1960, l’imposant homme d’affaires Jean-Louis Lévesque la rachète et fusionne les deux entreprises sous la raison sociale de Lévesque, Beaubien Inc. En 1989, la Banque Nationale en fait l’acquisition : la maison devient La Financière Banque Nationale.

Louis, l’homme de sa vie, meurt en 1939.

Portrait à l’huile de Louis de Gaspé Beaubien. Louise Gadbois, 1939.

Justine Lacoste-Beaubien poursuit sa tâche avec rigueur jusqu’à son décès le 17 janvier 1967. 

Vingt ans auparavant, elle avait acheté un vaste terrain situé non loin de l’Université de Montréal et de sa demeure. En 1957, grâce à l’appui des gouvernements et du public, un hôpital ultramoderne de 860 lits est inauguré au 3175, chemin de la Côte-Sainte-Catherine. L’Hôpital Sainte-Justine est devenu un symbole d’excellence et un lieu de réconfort pour les familles des enfants malades du Québec.

CHU Sainte-Justine. 2020.

Maquette du quatrième hôpital Sainte-Justine vue à vol d'oiseau. Héritage Montréal, s.d.

Hôpital Sainte-Justine. Consortium : Jodoin Lamarre Pratte architecte, Lemay, BGLA, DMG, 2008.

Prochaine époque
Le Québec Inc.
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